Le premier vol

Hier j’ai eu 16 ans et pour l’occasion, mes parents m’ont offert un vol d’initiation.

C’est l’opportunité de découvrir un nouveau milieu pour moi qui ai eu la chance de grandir en bord de mer et d’avoir pu pratiquer la voile pendant plus de 10 ans.

Je ne le sais pas encore, mais ce premier vol sera la première graine d’une passion dévorante qui germera quatorze années plus tard.

Il est 15h et par cette chaude journée d’été, nous roulons vers l’aéroport de Nantes.

Visite pré-vol

Nous arrivons à l’aéroclub Nantes Atlantique (ACLA) et je rencontre mon instructeur. Je lui donne un peu plus de la trentaine. Il me brief sur le vol et on fait rapidement connaissance. Il m’explique qu’en plus des heures d’instruction qu’il donne un club, il est en train de passer sa qualification “voltige”.

On sort du club pour rejoindre l’appareil : un superbe Robin DR 400-120 (pour 120 chevaux).

L’air est chaud et sec, typique d’une journée d’été à Nantes. Les rayons du soleil inondent le tarmac, réchauffant l’atmosphère autour de l’aéroclub. Une légère odeur de carburant flotte dans l’air.

Nous faisons ensemble la visite pré-vol pendant laquelle il m’explique le fonctionnement des gouvernes, le rôle du tube pitot, des prises statiques et me montre comment grimper dans l’avion.

Nous nous installons ensuite à bord. Nous prenons le temps de nous installer et de faire ensemble le tour du cockpit : l’anémomètre, le badin, l’altimètre, l’indicateur de virage, le variomètre, etc. et bien sûr le manche et les palonniers.

Nous mettons ensuite le casque sur nos oreilles, mon instructeur contacte la tour pour obtenir l’autorisation de démarrer le moteur puis de rouler et nous nous mettons en route vers la piste.

Roulage

La piste 03 est longue et nous faut quelques minutes pour la remonter via le taxiway.

Cela me donne le temps de jeter un oeil aux avions de lignes sur la gauche. Ils sont imposants, gigantesques mêmes, d’autant plus par rapport à notre petit aéronef fait de bois et de toiles tendues.

Mon instructeur me propose de mettre mes pieds sur les palonnier pour diriger l’appareil pendant le roulage. Tenir en ligne droite est difficile. Il y a de l’inertie et ça ne me semble ni naturel, ni évident.

Nous arrivons au point d’attente de la piste 03.

Checklist de décollage, essais moteur, message radio et on s’aligne.

Face à nous : 2 900 m d’asphalte brulantes qui n’attendent que nous.

Décollage

Mon instructeur pousse la manette des gazs à fond.

L’appareil gronde, vibre, puis se met en mouvement, d’abord lentement, avant d’accélérer. L’asphalte défile sous nos roues, la vitesse augmente. Quelques secondes plus tard, mon instructeur tire sur le manche et l’avion se soulève. Le sol s’éloigne rapidement tandis que le vent siffle autour de nous. La sensation est indescriptible : un mélange d’excitation pure et d’émerveillement.

On reste dans l’axe de la piste puis passé 500ft (environ 150m), mon instructeur réduit les gazs.

On dégage ensuite par la gauche et nous voilà en route vers l’ouest pour des exercices de maniabilité.

Découvrir les bases du pilotage

Mon instructeur me propose alors de prendre les commandes.

Le premier exercice est plus compliqué qu’il n’y parait : garder les ailes à plat.

Prendre un repère sur le capot moteur et tenir l’écartement de ce point avec l’horizon.

La souplesse est de mise car chaque petit mouvement fait monter et descendre le nez de l’appareil.

Second exercice : prendre un cap et le tenir.

Le vol se poursuit et je me sens de plus en plus à l’aise. Les centaines d’heures Microsoft Flight Simulator X n’ont finalement pas été inutiles car je me débrouille plutôt bien. Il y a néanmoins un monde entre le simulateur et la réalité : ici ça fait du bruit, ça bouge, le soleil éblouit et à la chaleur de cette journée du mois d’août s’ajoute celle du moteur qui rend l’atmosphère du cockpit étouffant.

Je retrouve un peu les sensations du voilier : ça bouge, ça tangue, on subit, mais on doit tenir. C’est un environnement hostile, dans lequel on se doit d’évoluer avec beaucoup de précision, d’exigence et qui impose une grande humilité.

Après 45 minutes de vol et presque autant aux commandes, la fatigue commence à bien s’installer. Il faut dire que la concentration est constante, tout comme les échanges radios incessants entre la tour et les appareils dans le secteur qui sont nombreux en cette journée de pleine saison.

Il est déjà l’heure de rentrer, on prend cap à l’est pour rejoindre le terrain.

Retour au terrain

En route vers le terrain, mon instructeur contacte la tour et on intègre le circuit de piste (route virtuelle que l’on doit suivre pour rejoindre le plancher des vaches). Mon instructeur se charge de la radio et moi du pilotage.

Je pousse le manche à gauche pour virer en base, les yeux rivés sur la piste et tentant de maintenir ma vitesse constante et la bille (de l’indicateur de virage) au centre afin de garantir la symétrie de l’avion.

C’est un jeu d’équilibriste où la moindre situation peut – d’autant plus à faible vitesse – très vite se dégrader.

Nous arrivons, 1 min plus tard, en finale et face à nous, la longue piste de Nantes.

Mon instructeur m’explique que mon regard doit perpétuellement faire des allers-retours entre l’extérieur du cockpit – pour vérifier que nous ne nous écartons pas de l’axe de la piste – et l’intérieur du cockpit pour garder la bille au centre et la vitesse.

Axe, bille, vitesse, axe, bille, vitesse …

Nous nous rapprochons de la piste et je poursuis le pilotage, en sachant que mon instructeur se tient prêt à tout instant, main sur le manche, à reprendre les commandes.

Mon instructeur me souffle des instructions, sa voix calme m’aide à garder le contrôle. Les secondes s’étirent alors que nous nous rapprochons du sol, puis, au moment parfait, j’entends « Arrondis ! », et je tire doucement sur le manche. L’avion se pose en douceur en piste 03.

Ou laisse rouler l’appareil jusqu’à la sortie “club” tandis que la pression redescend progressivement.

Nous stationnons à coté d’un mythique Cessna F150L et d’un sublime Cessna 208B Grand Caravane.

Mon instructeur coupe le moteur et nous débriefons rapidement dans l’appareil.

Alors que je descends de l’avion, une vague de satisfaction et de fierté m’envahit : je suis ravi d’avoir fait ce vol et fier d’avoir été suffisamment à l’aise pour en profiter pleinement. Ce vol n’était pas seulement un cadeau d’anniversaire, mais aussi une révélation. Le ciel, qui m’avait toujours fasciné depuis le sol, devenait un nouvel horizon à explorer. Je ne le savais pas encore, mais cette expérience avait semé en moi les premières graines d’une passion dévorante pour l’aviation, une passion qui allait prendre beaucoup de place dans ma vie quatorze années plus tard.

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