Course contre la nuit

Il y a des vols qui marquent par leur beauté inattendue et celui-ci en fait partie. Pour mon neuvième vol de l’année, j’ai décidé de tenter une première : un vol en solo au coucher du soleil et un touché à Vannes. À cette heure, la lumière dorée baigne encore l’aérodrome, mais je sais que le crépuscule ne tardera pas à me rattraper. Les quelques nuages épars et le vent de travers de 10 nœuds ajoutent une légère tension à ce vol au seuil de la nuit.

En route !

L’instant du décollage est toujours particulier, mais ce soir-là, il prenait une couleur nouvelle. À mesure que je m’élève dans le ciel, le paysage se pare de tons chauds et dorés. Sous mes ailes, le paysage s’étire comme une carte doucement éclairée, bordée par l’océan et touchée par les derniers rayons du jour. L’appareil vibre légèrement sous les rafales du vent de travers, mais c’est comme si le ciel m’invitait à prendre mon envol pour trouver le calme en altitude. Alors que les roues de l’appareil quittent le sol, la course avec le crépuscule a déjà commencé.

Touché à Vannes : une première

Je prends cap au nord direction Pénestin. Cette fois, plutôt que de virer à l’ouest vers le Golfe du Morbihan, je poursuis sur ma lancée.

À l’approche de la R-278 Vannes et R-279 Vannes Para, je m’annonce à la radio mais au vu de l’heure tardive, le service AFIS n’est pas disponible. Je m’intègre donc dans le circuit en auto-info.

L’approche de Vannes a quelque chose de solennel. À cette heure l’aérodrome, baigné dans une lumière douce, est désert. Je me prépare pour le touché piste 22. Je n’ai pas mes repères familiers et le soleil bas, presque dans l’axe de la piste, ne me facilite pas la tâche.

Les roues frôlent le sol, je continue de cabrer l’appareil pour le ralentir sur l’asphalte. La roulette de nez touche la piste, je laisse l’appareil ralentir quelques secondes, rentre un cran de volet et remet plein gazs. Ce n’est qu’un instant, mais il est marquant. Dans ce moment suspendu, seul face à la piste de Vannes, je me sens pleinement pilote.

Après quelques instants à prendre de la vitesse en palier, à quelques mètres du sol, je tire sur le manche et reprends de l’altitude, laissant Vannes derrière moi pour entamer le retour vers La Baule.

J’annonce à la radio la reprise de ma navigation et sans surprise l’aérodrome reste silencieux. Mon tour de piste n’a duré qu’une poignée de minutes mais le ciel a déjà changé, la lumière commence à décliner et je sens que la nuit s’avance à petits pas.

Course contre la nuit

En reprenant la route vers La Baule, je sens le ciel autour de moi continuer sa métamorphose. Le soleil, déjà bas, se cache par moments derrière des nuages épais. La lumière baisse progressivement, comme un voile qui s’abaisse sur le paysage. L’océan, en contrebas, prend des teintes plus sombres, oscillant entre le bleu profond et le gris argenté. Chaque minute qui passe m’emmène un peu plus vers la nuit et il devient évident que je vais jouer avec les dernières lueurs du jour pour mon atterrissage final.

À mesure que j’approche de La Baule, je me rends compte que mes points de repères habituels ont laissés place à des silhouettes à peine visibles. Le cockpit semble être immergé dans un calme encore plus profond qu’en journée comme si l’appareil, lui aussi, se préparait à la nuit qui vient. La course contre la nuit ajoute une intensité nouvelle. Chaque instrument, chaque lumière de mon tableau de bord semble devenir plus net, plus important sous ce ciel crépusculaire.

Lorsque j’arrive sur La Baule, le soleil a trouvé sa place entre la masse nuageuse au loin et l’horizon. Seul dans le circuit, je m’annonce en longue finale piste 11 et atterrit dans cette pénombre douce.

Le temps de rouler au parking, la nuit a encore grignoté le jour. J’éteins le moteur juste avant que le ciel ne bascule totalement dans la nuit et le calme intense envahi le cockpit.

Retour à la réalité

Ce vol restera dans ma mémoire pour la beauté du ciel et pour la sensation unique de voler à la frontière de la nuit, à l’heure où le jour s’efface.

En posant mes roues à La Baule ce soir-là, j’ai ressenti une satisfaction profonde d’avoir laissé le ciel se refermer juste derrière moi.

Je dois bien reconnaitre que bien qu’ayant posé mes roues largement avant l’enveloppe réglementaire des 30 minutes après le couché du soleil, la pression est montée d’un cran les derniers instants du vol.

J’ai pris la mesure de l’importance de chaque minute, dans ces moments où le temps joue contre nous. Ce jour-là a été un beau rappel : même quand il n’y a pas de risque particulier, en vol tout va vite, une situation peut se dégrader rapidement ou au contraire, s’effriter lentement mais surement et grignoter petit à petit sur la sécurité.

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